La bière : l'amitié liquide. - Le Pavé

La bière : l’amitié liquide.

Cette définition originale de la bière est due à Rony Coutteure, un comédien talentueux qui nous a malheureusement quitté et que j’avais eu la chance d’interviewer pour le Courrier de l’Escaut, un quotidien du Hainaut Occidental.

La bière est la plus ancienne des boissons fermentées. Les Egyptiens la brassaient déjà et les druides, après avoir fauché le gui sacré avec leurs faucilles d’or, aimaient s’enivrer à la cervoise sous la frondaison des chênes. Cet état euphorique les aidait, parait-il, à déchiffrer les oracles. La bière fait partie de notre culture populaire. C’est la boisson de la confidence. Consommée avec modération elle procure un plaisir raffiné et installe une ambiance conviviale.

Rony Coutteure préférait les bières naturelles, brassées artisanalement. Il aimait les déguster entre amis, à petites gorgées. Il suffit ‘’d’un bon verre’’ partagé dans le cocon d’une chaude amitié pour que s’impriment dans la tête les couleurs estivales de l’orge à moissonner. Vous entendez le bruissement de la brise dans les épis, tout en humant le parfum fruité du houblon qui a fleuri dans les plaines ensoleillées. Parfois, comme dans un écho lointain, la nostalgie parvient encore à faire résonner le bruit des sabots ferrés d’un attelage sur les cours pavées des brasseries d’antan. Harnachés, au son des grelots, ces chevaux de traits emmenaient leur chariots chargés de lourds tonneaux dans la brume de l’aube.

Pour cet épicurien averti, chaque mets peut s’harmoniser avec une bière. Celles de saison apprécient les fromages à pâte dure. « Les piquants et les coulants » exhaleront la plénitude de leurs saveurs s’ils peuvent s’arroser d’une bière d’abbaye à la rondeur onctueuse. Osez, m’avait-il confié, les huitres avec une Guinness. Vous serez ravi par l’équilibre et l’harmonie de cette association

Ronny m’avait aussi détaillé la recette de ses solettes aux trois bières. Faites blondir des oignons blancs émincés dans du beurre de ferme. Ajoutez une goulée de trois bières différentes : une blonde, une brune, une ambrée. Assaisonnez. Laissez réduire et montez votre sauce au beurre. Cuisez vos solettes à la vapeur et servez-les nappées de sauce et d’une garniture de chicons braisés. Personnellement, je suis convaincu que d’autres poissons blancs en filets, moins onéreux à l’achat, pourraient également convenir.

Il m’avait aussi confié qu’il aimait cuisiner le lapin aux pruneaux et à la trappiste en liant la sauce avec du pain d’épices mouliné

William Dunker, la star carolorégienne du blues wallon apprécie aussi cette boisson populaire. A l’occasion d’une interview, lorsque je lui avais demandé quelle était sa boisson préférée ? Sa réponse avait fusé aussitôt. En éclatant de rire, il me dit : « Pour la boisson, je préfère la bière d’ici à l’eau de là », une expression archi-connue qui fait toujours sourire. Comme Pérraudière, il aurait pu proclamer sous forme de boutade « Dire que l’eau est détectable, c’est l’avis qu’une cane a. L’eau ne fut jamais potable que par miracle à Cana… »

J’aime aussi les frites et la sauce tartare qui font apprécier l’amertume fraicheur d’une pils qu’on écluse cul-blanc pour étancher sa soif dans le premier bistrot rencontré. Et il me plait plus encore d’en déguster une deuxième en bonne compagnie et même une troisième, s’il le faut, pour respecter l’adage…

Et j’ajouterai personnellement, durant ma jeunesse le stout était une bière réputée bienfaisante et nutritive. De couleur très sombre elle serait originaire d’Angleterre Cette boisson était conseillée aux personnes fatiguées, anémiées et plus étrange encore aux mères allaitantes pour ses propriétés galactogènes. Que penseraient aujourd’hui les diététiciens de cette médication somme toute assez agréable ?

Humour « spiritueux »

Comme le rire libère des endorphines euphorisantes dans l’organisme, nous agrémenterons cette chronique par deux petits textes ‘’birologiques’’ (mot dû à Rony Coutteure).

Le premier est une anecdote empruntée à Alexandre Dumas, un auteur inépuisable :

‘’ Un malheureux condamné à mort se sent sur l’échafaud saisi d’une soif terrible et demande de quoi se rafraichir. On lui présente alors un verre de bière qu’il repousse en disant : non pas de bière, elle engendre la gravelle…’’

L’AMI LOUIS
Ça fait longtemps que l’ami Louis ne bêche plus son jardin. Sa femme le lui a défendu. Lorsqu’il rencontrait un ver, il le remplissait de bière et l’avalait tout cru. Et c’est ainsi que de ver en verre et de bière en bière il risquait de se retrouver sous terre. Voici conté la triste histoire d’un jardinier que les vers et la bière ont failli emporter. Mais rassurez-vous, il faudra encore plus d’un verre pour mettre Louis si vert en bière