Saison culturelle chamboulée
Cet été, Lessines a grouillé de manifestations de tous poils : le Festin, le Cayoteu, le Centre culturel et d’autres associations ont proposé́ une version de leur programme adaptée aux normes sanitaires. Ducasses, fêtes folkloriques et spectacles ont ainsi émaillé l’été lessinois. Le moment des bilans est venu. Et la principale question à laquelle il convient de répondre, c’est celle de l’importance sur le long terme de ces démarches.
La culture n’a pas été fermée. Ce qui a été fermé, c’est sa dimension sociale
On le sait, la culture figure parmi les secteurs les plus touchés par le Covid. Mais affirmer que « la culture a été fermée ! » n’est pas tout à fait correct. Ce qui reste aujourd’hui très fortement limité et contingenté après avoir été longtemps totalement fermé, c’est la dimension sociale de la culture : le fait de pouvoir se joindre à un grand groupe de per- sonnes qu’on ne connaît pas pour assister à un spectacle, une activité, partager des émotions. Et là, la culture a longtemps été placée dans le même sac que l’en- semble des activités sociales et notamment le sport. Le reste de l’activité culturelle a par contre peut-être bénéficié de la situation : la lecture, le streaming, les visites individuelles d’expositions, musées et lieux de mémoire ont été boostés…
La pandémie, ses effets et après ?
Cette jugulation de la dimension sociale de la culture laissera des traces sur le long terme. En deux ans, les habitudes des gens ont été modifiées. Beaucoup sont passés à autre chose. Aussi, depuis deux ans, on nous explique que ce qu’il faut éviter, c’est les autres : les lieux bondés, les contacts dispensables avec des gens qu’on ne connaît pas, les lieux fermés avec du public… Bref, ce qui fait le fondement du spectacle ou de l’activité folklorique. Il ne s’agit pas là d’une critique — que faire d’autre pour contrer la maladie ? — mais d’un constat : l’autre est devenu source de méfiance. Et plus la situation dure, plus la machine sera compliquée à relancer. Une machine qui a mis des décennies à s’installer. La mise en place d’un réseau professionnalisé de lieux de spectacles répartis sur le territoire, d’artistes, de techniciens s’est construite en trente ans minimum, parallèlement à la sensibilisation et l’augmentation des publics. Tout cela a aujourd’hui pris un gigantesque coup dans la nuque. Outre le détournement d’une partie des publics, des techniciens ou des sociétés complètes ont changé d’activité, revendu leur matériel, abandonné l’idée de faire du spectacle. La reconstruction sera longue : on ne change pas de vie chaque année…
Attendre ou s’adapter ?
Face à la situation sanitaire, deux tendances se sont dessinées, que ce soit au niveau des organisateurs ou des publics : plaider et espérer un retour à la normale et dans l’attente éventuellement adopter des formules adaptées les plus proches possibles du modèle original. Ou revoir sa copie et suivre de manière transitoire peut- être — mais seulement peut-être — des activités repensées en profondeur. Mais que sera « la normale » demain ? Et après-demain ? La pandémie ne va-t-elle pas laisser des traces et modeler l’activité sur le long terme ? Le moyen terme, on y est déjà… Aujourd’hui, ce qui est important, c’est de maintenir une activité. Une activité qui doit concerner un maximum de gens accueillis dans les conditions sanitaires les plus sécurisantes. Et à ce titre l’activité née tous azimuts cet été à Lessines, qu’elle soit le fruit du monde associatif ou des opérateurs culturels reconnus, est un modèle. L’été culturel lessinois a concerné un public important tout en osant revoir totalement sa copie et en s’appuyant sur les nouvelles contraintes pour proposer quelque chose au final de bien attrayant… Avec les Summer Nights, le CCRM a proposé des spectacles d’un nouveau modèle dans un contexte nouveau, basé sur l’intégration des normes sanitaires et pourtant bien agréable. Tour en mettant en valeur la Dendre et le cœur historique de la cité.
L’importance de maintenir un tel dynamisme
On l’a assez répété, la culture, socialement, c’est très important. Et la rencontre sociale liée à la culture est primordiale, que l’on se situe du côté des spectateurs ou de celui des citoyens qui s’investissent activement dans l’organisation. La culture, ça aide à réfléchir, à créer du dialogue, à produire une société où on se sent bien… La culture a également un rôle socio-économique important : elle est vecteur d’une activité aux retombées essentiellement locales et régionales, avec à la clé des retombées économiques directes et indirectes et de l’inclusion sociale. A ce titre, sans entrer dans les détails, mentionnons simplement que les spectacles menés par le CC René Magritte de juin à septembre à travers les Summer Nights et le Rallye de la petite reine ont eux seuls permis la création directe de plus de 400 journées de travail pour les artistes et techniciens. Plus de 180.000€ de produits et services ont été commandés aux sociétés de la région. Et Lessines a accueilli environ 14000 spectateurs, avec toutes les retombées indirectes que cela implique pour la localité. Cette mission socio-économique de la culture, elle doit également être maintenue.
Cet été Lessines a accueilli des versions adaptées du Cayoteu, du Festin, de la Ducasse des Culants, pour ne citer que ces événements dans le secteur du folklore. Avec les Summer Nights de juin à fin août, et le Rallye de la Petite reine en septembre, la cité a même été l’épicentre culturel wallon, de l’avis des médias spécialisés en culture. Typh Barrow, Hooverphonic, Balthazar et une foule d’autres ont égayé nos soirées d’été. La réactivité est là et devra probablement encore être mise à contribution dans les prochains mois et années.