Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir si les choses avaient une mémoire ?
Si le sol gardait l’empreinte de nos pas malgré la pluie et le vent.
Si l’eau des rivières était capable de se rappeler de notre reflet au temps où l’on s’y mirait.
Si les salles de concert se souvenaient des notes de musique engrangées dans les recoins des parois et des fauteuils ?
Et si rien ne disparaissait ?
Si toute notre énergie, nos actes, nos décisions étaient récupérés quelque part dans des silos où tous et toutes, nous disposions, sans le savoir, au fil des jours, notre existence, comme un héritage pour les générations futures.
Et s’il existait une ville sous nos pavés ? Semblable à la nôtre, en mieux ou pire. Marquée des aléas d’une vie passée à se battre pour survivre.
Je la verrais grise et pierreuse, enserrée dans des racines tentant de rejoindre la lumière pour retrouver la surface, l’oxygène, la vie.
Y avait-il des enfants qui se promenaient dans les rues ? Des herbes folles poussant ça et là.
L’eau y aurait-elle ruisselé le long des façades ?
Si sous nos pieds une telle ville existait, cacherait-elle en son sein, une étincelle d’énergie vitale qui permettrait de tout recommencer ?
Sous la poussière du temps, pourrait-on entendre le rire des kermesses, le chant des églises, le ronronnement des marchés du samedi ?
Tout en continuant ma visite virtuelle, j’atteindrais son coeur… Y trouverais-je des livres abandonnés sur un banc ? Une grande dame de jonc tressé aux feuilles de lierres brunies par le sombre du ciel ?
Croiserais-je des fantômes qui ne me verraient pas, trop occupés à penser qu’ils sont encore vivants et qu’un jour, le soleil reviendra.
Si nos pavés avaient une mémoire ?
Celle que nos aïeuls y ont laissée avec l’espoir ultime que nous ferions de notre mieux pour perpétuer leurs efforts.
Seraient-ils fiers de nous, ou tout le contraire en voyant ce que nous en avons fait ?
Le silence répondrait à toutes mes questions.
Le froid aussi qui me permettrait de savoir que je suis toujours vivante car mon souffle me le prouverait.
Si une telle ville existait, aurais-je assez de courage pour la faire sortir de l’ombre ?
Pourrais-je trouver assez de force pour croire qu’elle puisse avoir des lendemains heureux ?
Serais-je assez folle pour espérer pouvoir lui venir en aide ?
Le soleil me fait ouvrir les yeux et je me réveille dans mon lit. Est-ce un rêve ou une réalité ?
Je regarde par la fenêtre et j’admire le paysage. Celui que je connais depuis de nombreuses années. Serais-je prête à tout perdre au nom de quel profit ?
Le printemps va revenir et l’air embaume déjà.
J’aimerais encore y croire, savoir de quoi demain sera fait.
Avoir l’espoir que rien ne se perd, je commence à croire en mon propre avenir, à celui de ma ville, de mes racines.
Je m’habille vite et déjà je prends ma voiture, le soleil brille et les nuages s’effacent.
Qu’il est bon de pouvoir respirer, et d’être libre.
Et si sur les pavés, était déjà construite ma ville ?