Dès la tombée du jour, aux premières nuits chaudes et pluvieuses ils sont là. Démarches hésitantes ou sautillantes, silhouettes aux aguets, discrets petits cris d’alerte, pupilles noires serties dans leurs yeux dorés, par centaines ils traversent nos routes.
A chaque printemps, c’est le même rituel. Encore tout engourdis d’un hiver passé à l’abri du gel, mâles affamés, femelles gonflées d’oeufs, n’ont qu’un but : rejoindre les flaques, mares, étangs qui les ont vu naître.
Crapauds, grenouilles, tritons, salamandres sont en effet dépendants de l’eau pour perpétuer leurs familles. Les oeufs sont pondus et fécondés dans l’eau. Les têtards et les larves s’y développent pendant des mois, jusqu’au stade adulte où la vie au grand air les attend enfin.
Les stratégies de reproduction varient selon les espèces. Une grenouille verte peut pondre jusqu’à 10.000 oeufs, dont quelques-uns seulement atteindront l’âge adulte.
Le triton pond ses oeufs un par un, mais il les emballe soigneusement dans les plantes et les protège des prédateurs.
L’alyte n’aura que quelques dizaines d’oeufs, mais le mâle va les garder sur son dos jusqu’à l’éclosion.
Si dans l’eau les poissons sont les plus grands prédateurs des batraciens, sur terre leurs pires ennemis sont certainement les hommes. En période de migration, c’est un triste spectacle de voir des centaines de cadavres déchiquetés, démembrés, aplatis, éclatés au milieu d’oeufs qui ne seront jamais fécondés.
Des volontaires se mobilisent à travers toute la Wallonie contre ces hécatombes. Au château de Bois-de-Lessines, en 2003, 3300 batraciens ont été sauvés des roues de voitures par des ramasseurs qui, à l’aide de seaux et de gants, ont transporté crapauds, grenouilles et tritons vers l’étang.
La création d’une mare du côté du bois a permis depuis de détourner ce flux migratoire qui traversait la route. Mais il reste de nombreux endroits où des volontaires manquent à l’appel.
Gérard Thèves