Un théâtre lové au centre de Bruxelles dont l’actuel directeur n’est autre que le comédien Eric De Staercke. Interview.
Peut-on voir les Riches-Claires comme vitrine de la création théâtrale ?
Aujourd’hui certainement encore plus qu’hier ! Notre lieu était autrefois considéré comme le centre culturel de la Ville de Bruxelles. Il y a peu, il est devenu plus spécifiquement le théâtre des Riches-Claires, sa mission étant désormais reconnue par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Un pas significatif. Car nous pouvons jouer pleinement notre rôle de diffusion du théâtre émergent et offrir un tremplin tant à des jeunes compagnies qu’à des artistes confirmés explorant de nouvelles directions.
Les lieux dédiés à la diffusion de jeunes artistes sont-ils insuffisants ?
Il persiste un décalage entre l’école et la réalité. L’enseignement théâtral et artistique en général encourage les jeunes à s’exprimer, à sans cesse élaborer artistiquement et affirmer leur pensée. Or, après les études, ils tombent dans une société qui n’a pas évolué au même pas, qui n’a pas planifié l’accueil de cette nouvelle génération bouillonnante. Le secteur reste encore structurellement fort encodé dans la vision du théâtre de papa. N’y voyons pas d’hostilité, de piège, de frein conscient des opérateurs à l’égard des jeunes comédiens : personne n’est bien entendu contre l’idée de les intégrer et des institutions en injectent au fur et à mesure. Mais il règne par contre une réelle pénurie en termes de lieux et d’initiatives pérennes pour la diffusion des jeunes artistes. On leur préfère la plupart du temps des comédiens et spectacles ayant fait leurs preuves.
Comment votre théâtre répond à la demande ?
Nous recevons en moyenne douze propositions par jour. Nous essayons à chaque fois de rencontrer les artistes, ici ou sur le terrain, et de ne fermer la porte à aucun. Notre aide peut épouser différentes formes : l’apport d’un œil extérieur, la recherche d’un metteur en scène ou d’un spécialiste, du prêt de matériel, un temps de résidence, la coordination du dossier, une aide en communication… Une quarantaine de projets débouchent sur une programmation aux Riches-Claires, dans un climat qui cultive l’esprit de rencontre et de convivialité et qui relie les artistes, le public et les gens de notre équipe.
Par exemple ?
Chacun de mes collègues est investi par l’esprit, par la vocation des Riches-Claires. Les régisseurs auxquels nous faisons appel choisissent par exemple le spectacle qu’ils veulent accompagner. Nous développons de même des débats, des bords de scène, des événements et moments plus festifs autour des spectacles. De sorte que la représentation théâtrale, éphémère, se prolonge dans la vie sociale et l’échange d’idées qu’elle provoque.
Comédien, auteur, metteur en scène, prof, directeur de théâtre: le fil entre les différentes facettes d’Eric De Staercke?
Ce que j’ai reçu de mes pairs, je le donne. Le point commun, c’est la transmission que permet l’univers théâtral. Tant en échangeant des histoires, des réflexions et des émotions avec le public qu’en partageant des recherches et savoir-faire avec les futurs comédiens. Dans la création théâtrale, il y a beaucoup de liberté et autant d’incertitude qui font naître la créativité ! Quand je suis arrivé aux Riches-Claires, cette ligne s’est déplacée : la prise de risque se situe désormais dans la programmation des spectacles… Loin des succès commerciaux, en faisant confiance à l’audace!
Interview réalisée en mars 2020