Le saule tétard - Le Pavé

Le saule tétard

Leurs drôles de silhouettes, troncs tortueux surmontés d’une sorte de boule hérissée de branches, donnent à ces arbres des allures de sentinelles un peu étranges. Leurs pieds strictement alignés au sol, ils semblent pencher la tête, tantôt à gauche, tantôt à droite, dans un étrange déséquilibre, comme pour mieux voir ce qui se passe devant et alentour.

De-ci de-là, quelques vieux saules isolés bornent la campagne de leur imposante stature comme autant de bienveillants gardiens. La nuit, leurs mystérieuses présences hallucinent nos imaginations de personnages grimaçants, géants débonnaires ou incarnations maléfiques… 

Les saules ont toujours été très présents dans nos paysages ruraux. Supportant les terres gorgées d’eau, peu exigeants quant à la qualité du sol, ils sont parmi les premiers arbres à pousser spontanément. 

Faciles à ouvrager, nos aïeux trouvaient dans les saules quantité d’usages domestiques merveilleux : menuiserie, fabrication de sabots, vannerie, liens, bois de chauffage, sans oublier ses nombreuses vertus médicinales.   

C’est leur utilisation comme piquets de clôtures qui explique pourquoi aujourd’hui on les trouve ainsi alignés. Et c’est leur taille régulière qui a transformé au fil des années tous ces plançons en magnifiques saules têtards !

Plantez une branche de saule dans le sol, c’est magique ! Après quelques semaines de printemps bien humide, vous aurez la surprise d’y voir pousser une multitude de bourgeons. Le saule reprend vie, se régénère, plonge ses nouvelles jeunes racines dans le sol… 

Les saules têtards offrent au bétail un doux ombrage pendant les chaleurs estivales. Et au printemps, les saules absorbent goulûment les grandes quantités d’eau abandonnées par l’hiver, aidant ainsi au drainage et à l’assèchement des prairies et des champs cultivés.

Outre leur rôle très important dans le maillage écologique de nos campagnes, ils donnent abris et nourriture à une faune très diversifiée. De nombreux oiseaux y trouvent refuge, et le pic s’y régale d’insectes dont certains sont devenus rares, comme le Grand Taupin. Les hérissons, lérots, lièvres, crapauds profitent des troncs caverneux pour s’abriter. Et le rare orvet hiberne dans son terreau protecteur.

Préserver ces éléments essentiels de notre patrimoine paysager et écologique est donc important. Et planter de nouveaux saules têtards pour les générations futures l’est plus encore.

Gérard Thèves