Cambodge, fin des 60’s. Même si la situation politique de ce jeune état se détériore, rien ne semble perturber la quiétude de la population. Le pays produit le meilleur riz du monde. Les lacs et rivières regorgent de poissons. Bananes, ramboutans, durians s’offrent à celui qui tend la main. Le Mékong, fort et majestueux, veille sur le pays. La nature est belle au Cambodge. Et généreuse. Même la pluie des moussons semble agréable. Et la capitale Phnom Pen, avec ses grandes allées vertes, n’usurpe pas son statut de perle d’Asie…
Un tableau idyllique — peut-être un peu idéalisé — mais que vous confirmeront tous ceux qui ont connu le Cambodge de cette époque.
La folie allait pourtant s’acharner sur ce paradis. En 1975, Pol Pot et ses Khmers rouges vidaient en quelques jours les villes et installaient le régime sans doute le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité. En 1979, à la chute du « Kampuchea démocratique », le Cambodge comptait trois millions d’habitants, contre sept quatre ans plus tôt. Environ deux millions de personnes ont été exécutées, sont mortes de maladies, de malnutrition, ont sauté sur une mine ou ont tout simplement succombé au travail dans les sinistres Killing Fields. Les autres ont fui le pays. L’objectif de l’Angkar, la direction du régime, était de réduire le pays à un million d’ouvriers agricoles produisant du riz pour la Chine.
Sarin Kem et Sareth Kath ont fui cet enfer. Sarin a dirigé un groupe de fugitifs dans une marche de plusieurs semaines à travers la forêt pour rejoindre le Laos et de là la Thaïlande. Ils ont survécu, se nourrissant de ce que pouvait offrir la forêt, se cachant, marchant, échappant aux raids meurtriers.
Ils ont ensuite mis le cap, les mains vides, vers un pays qui pouvait encore à l’époque offrir un espoir à des gens qui ont tout perdu : la Belgique. C’était il y a 35 ans. Le couple s’est installé à Ottignies quelques années avant de déménager vers Buizingen, où une petite communauté khmer s’était créée. Et dans les 90’s, ils ont ouvert un restaurant cambodgien à Ath. Car Sareth est une cuisinière fantastique et la gastronomie khmer d’une grande finesse. Le restaurant est aujourd’hui fermé, mais le noyau familial siège toujours à Ath.
En Belgique, même si certaines plaies ne se referment jamais, ils ont pu mener une vie normale et émaillée de bonheur. Ils ont quatre enfants : Rak Smey, Sam, Sovong et Arun Seyha. Plus tard, Kounthea et Chen Phuok, les neveux de Sareth, les ont rejoints. Sam est installée avec son compagnon à Deux-Acren, alors que ses frères et soeurs se partagent entre Ath et le Brabant wallon. Les enfants parlent couramment le français, le néerlandais, le khmer et même l’anglais et l’allemand. Ça aide dans la vie.
Cela fait six ans déjà que la famille Kem est étroitement liée à la vie culturelle lessinoise, depuis que Sareth, avec l’aide de Sam, a animé un fabuleux atelier de cuisine cambodgienne. Quelques-uns de ses plats enrichiront la carte de la veillée contée du 14 mars. Une veillée que nous dédierons à nos amis les Kem…